Démon, quand tu nous tiens
- Le Petit Corps de Corinne Solliec
Depuis quelques années, la mode est à la minceur, voire à la maigreur. De plus en plus tôt, les adolescentes, parfois encore dans l'enfance, se mettent "au régime". Et bien souvent, cela tourne mal.
Dans Le petit corps, la souffrance d'une de ces jeunes filles est décortiquée. Estelle a vingt ans et (on le devine) à peine le double de kilos. Son problème n'est pas la nourriture, non, son problème, c'est Alexandre. Voilà deux ans, jeunes amoureux transis à l'avenir prometteur (il travaille, elle entre en fac) emménagent ensemble. Estelle a un "léger" problème : elle a des crises qui l'obligent à se goinfrer de quantités astronomiques de "bouffe", et à se faire vomir juste après. Rusée, elle parvient à cacher sa maladie à son petit ami durant de longs mois. Mais le jour où il comprend qu'elle se détruit à petit feu, il s'énerve, se fâche, pleure, supplie… rien n'y fait, Estelle et sa boulimie sont indissociables. Il pose alors un ultimatum : ils se séparent et il ne "la reprendra" que lorsqu'elle sera guérie. Estelle parviendra-t-elle à surmonter son démon ?
Ce livre m'a touchée car Estelle parle avec des mots crus et réalistes de sa maladie, qu'elle hait et pourtant sans laquelle elle n'arrive pas à vivre. Elle se nomme en s'appelant "le petit corps", comme si ce n'était pas vraiment elle qui vivait mais cette entité indépendante qu'elle ne maîtrise pas. C'est vraiment émouvant, plein de sensibilité et de violence. Une belle découverte.
NB : hier encore, j'ai croisé dans le métro une jeune femme si maigre que ses joues étaient creuses et ses pommettes saillantes, ses bras squelettiques parvenant à peine à porter son sac à main. C'est effrayant et cela mérite que l'on se pose des questions sur les origines des maux qui conduisent de jolies filles à se détruire.